Le Brésil, entre nostalgie et futur

Le Brésil, entre nostalgie et futur

Les derniers disques de Veloso et Lindsay se font écho l’un l’autre : le premier, brésilien, rend hommage à la musique populaire américaine, tandis que le second, new-yorkais, continue à nourrir sa musique d’influences brésiliennes.

Caetano Veloso “A foreign sound” (Universal Jazz)

Après nous avoir fait goûter à satiété à son univers grâce à la double compilation “Antologia 67-03”, le prolifique Caetano Veloso rend hommage à la musique populaire américaine. C’est d’ailleurs assez cocasse d’imaginer le crooner bahinais, qui a, avec d’autres, forgé la MPB (musique populaire brésilienne) de s’attaquer à des standards U.S.

Ceci l’amène d’ailleurs à chanter des des titres d’inspiration brésilienne (“Carioca”, qui ouvre l’album) ou tropicale (“Jamaica farewell”). Carlinhos Brown a été invité, et il aide Veloso à moderniser “Blue skies” d’Irving Berlin à l’aide de quelques effets électroniques. Ailleurs, on entend des scratches (“It’s alright, Ma’ (I’m only bleeding”), mais le violoncelle de Jacques Morelenbaum n’est pas absent.

Mais Caetano chante aussi du rock de sa voix de velours(le “Come as you are” de Nirvana), en passant par une gamme de titres des Platters (“Smoke gets in you eyes”), de Paul Anka (“Diana”), et des éternels de jazz (“Summertime”, “The man I love”, “Nature boy”), qui forment l’essentiel de cet album de vingt-trois titres.

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Arto Lindsay “Salt”

Difficile de classer ce disque dans le rayon “techno house”, ni dans celui du jazz, ce qui eut été trop réducteur. C’est donc au rayon “contemporain” que le dernier album du newo-yorkais Arto Lindsay est le plus à sa place. En anglais et en brésilien, et sur des chansons électroniques qui empruntent au free jazz, ce vétéran aligne des petites ritournelles tarabiscotées. C’est actuel, et sans être extrêmement novateur, cet album, qui évoque les travaux de David Byrne ces dix dernières années sur son label Luaka Bop, est bien ficelé.

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Il est amusant de constater que Caetano s’empare des titres issu de “l’âge d’or” d’un pays qui n’est pas le sien (mais musicalement, parfois, les USA sont le monde) pour les interpréter à sa façon, un peu crooner, un peu Brésil, alors que c’est au Brésil que Lindsay va chercher son inspiration. Cela dit bien à quel pont le mélange des idées, les métissages des influences, tant géographiques que temporelles, sont une richesse pour la musique. Hier comme aujourd’hui.

première publication : samedi 22 mai 2004

Jean-Marc Grosdemouge