Nonstop “Road movie en béquilles”

Nonstop “Road movie en béquilles”

On a beau vivre une époque violente (il n’est qu’à ouvrir un journal pour s’en convaincre), peu de disques “coup de poing” sortent chaque année. On n’a eu cette sensation qu’en de rares occasions : “On croit qu’on en est sorti” de Serge Tessot-Gay (voir notre article), ou les disques de Programme et Expérience. D’ailleurs c’est l’ex-Diabologum Arnaud Michniak (présent sur le titre “Faut pas rester là”) qui produit l’album de Frédo Roman, beasty boy à la française qui signe un album aux paroles et aux musiques bestiales.

Roman vient de la Ville rose, mais ses mots sont tous sauf roses. Il éructe ses mots désabusés, le propos est sombre et les beats vicieux. La colère de Roman est tantôt rentrée, tantôt explicite : elle s’exprime parfois par le sarcasme, ou le cynisme. En tout cas, elle exsude d’un peu partout sur cet album. Et on peut le comprendre : pour qui est lucide, les raisons de désespérer sont nombreuses, et la lecture de Cioran -grand pessimiste s’il en est, est souvent plus revigorante que la prose lénifiante d’un Delerm père. Car la vie au fond, c’est ça, un road movie en béquilles : la route est devant nous, on a la voiture, mais nous sommes tous un peu bancal.

André Suarés a dit “le pouvoir d’un homme est la moyenne de ce qu’il peut lui-même, et de ce que les circonstances lui permettent”. Grandes idées, petites actions ; bonne volonté mais faible marge de manoeuvre, voilà notre lot. Et on a trouvé la bande-son de ce film pas gai-gai : un hip hop claudiquant sur le bitume des grandes villes, qui braille la solitude urbaine, qui remue le couteau dans la plaie.

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Nonstop “Road movie en béquilles”, 1 CD (Ici d’ailleurs/Discograph), 2006

Infos : le Bandcamp de Nonstop

première publication : samedi 14 janvier 2006

Jean-Marc Grosdemouge