Brad Mehldau “Largo”

Brad Mehldau “Largo”

Si le génie, chez un artiste, consiste à savoir se renouveler sans cesse, alors oui, l’américain Brad Mehldau a bien du génie. Enregistré sous la houlette du producteur pop Jon Brion, “Largo” (le nom de la salle de Los Angeles où se produisait ce dernier) risque de déconcerter ceux qui ne voient en Mehldau qu’un romantique fragile et maniéré.

Aujourd’hui, le son de Mehldau est plus riche, moins précieux aussi. Le pianiste américain a opté pour des mélodies au style un peu enfantin, qu’il n’osait enregistrer jusque là. Est-ce parce qu’il est désormais père d’une petite fille prénomée Eden, qu’il ose assumer ce genre de mélodies aujourd’hui ?

Il y a des mélodies simples. Et puis surtout, il y a le temps passé avec son producteur pour préparer l’enregistrement, en construire le matière sonore des sessions d’enregistrement, en recourant à de nombreux instrumentistes intervenant, et non juste à Jorge Rossy (batterie) et Larry Grenadier (contrebasse).

Son goût de la reprise n’a pas changé : il arrive à transformer le sempiternel “Wave” de Tom Jobim en un morceau doucement technoïde, et à magnifier “Paranoïd androïd” de Radiohead, qui devient supra-romantique.

Mehldau n’a donc rien perdu de son romantisme dans l’affaire, même si “Largo”, qui risque de décontenancer les fans puristes, est un album de transition.

Difficile dans ces conditions de dire quel est le futur de la musique de Mehldau. Cet homme vient de nous prouver qu’il est imprésivible, alors qu’on n’avait même pas commencé à douter du contraire, puisqu’en compagnie de son trio, il a toujours su créer la surprise et par ses reprises de standards pop et par sa déconcertante facilité à improviser.

C’est à un futur passionnant que Brad Mehldau nous convie…

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Brad Mehldau “Largo”, 1 CD (Warner Jazz), 2003

dimanche 12 janvier 2003

Jean-Marc Grosdemouge