Ridan "Le rêve ou la vie"

Ridan "Le rêve ou la vie"

La banlieue n’accouche pas que de rappeurs. Ridan (prononcer “Ridane”, aucun rapport avec le footballeur peu loquace) a fait du rap. Mais il a arrêté. A 27 ans, Nadir (qui a retourné les lettres de son prénom pour se faire un pseudo) évolue dans la division chanson et c’est plutôt quelqu’un d’éloquent. Plus que Zidane (pas dur ceci dit). “Je serai le deuxième Patrick Bruel” chante-t-il. Et en effet, ce Maghrébin à la plume bien sentie (“tu veux qu’je te dise / le quotidien / d’un Maghrébin ?”) est plus intéressant que Patrick Benguigui (pas dur ceci dit).

La vue du titre “Laisse béton” dans le tracklist pourrait faire penser à un nouveau Renaud -également un produit de la banlieue, mais l’écoute du titre évoque plus la musique alanguie des Négresses Vertes que le verlan, les mobylettes et les bastons à coup de chaînes de vélo. S’essayant à la critique sociale (moins radicale que celle d’Expérience, Programme ou Erik Arnaud), mais aussi à la tendresse, Ridan , amateur de Brassens ou de Murat, livre dix chansons entre variété (parfois orientalisante, à l’instar de Zora) et reggae (“Woman”), stigmatise flics et béton, et aligne quelques formules appelées à faire mouche sur l’auditeur. On retiendra “Si le blé m’file du bonheur / j’me ferai p’t’être agriculteur” ou “J’vis dans dans un piège à cons / tout entouré de sentinelles”. Cette dernière formule est extraite de “Pauvre con”, un titre qui rappelle “J’aime un pays” de Kent. Ce dernier commencait également sa chanson par “J’aurais préféré écrire une chanson d’amour” alors que Ridan avoue “j’aurais préféré chanter l’amour et son eau fraîche”… et concède qu’il s’est résigné à chanter les “mots rèches”.

L’époque en effet, ne se prête pas aux chansons à deux balles et l’on sait gré à Ridan de venir relever le niveau. Il sait déjà qu’il a peu de chance de se voir attribuer une Victoire de la Musique. En honorant les sympathiques et gentillets Mickey 3D cette année, le jury s’est offert dix ans de crédibilité, et l’on ne risque pas de l’y reprendre de si tôt à récompenser des chanteurs qui ont quelque chose à dire. C’est peu de dire que cette ritournelle sur “un piège à con tout entouré de sentinelles”, on la chanterait bien devant Matignon ou sur la place Beauvau.

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Ridan “Le rêve ou la vie”, 1 CD (Epic/Sony Music), 2005

dimanche 6 mars 2005

Jean-Marc Grosdemouge