“Le mage du Kremlin”, vertigineux

“Le mage du Kremlin”, vertigineux

Récompensé par le Grand Prix de l’Académie Française, ce roman qui est le premier de Giuliano Da Empoli à défaut d’être son premier livre (il a déjà entre autres publié “Les ingénieurs du chaos”) méritait qu’on s’y intéresse. C’est peu dire qu’on a été renversé.

Le narrateur, moscovite nous convie à la rencontre de Vadim Baranov, personnage fictif mais très inspiré par Vladislav Sourkov qui, lui, est bien réel. Baranov convie le narrateur dans sa demeure des faubourgs de Moscou pour lui montrer un livre rare et lui dont la parole est rare, se met à raconter sa vie.

Au fil des chapitres, c’est donc lui qui prend la parole, pour ne plus la lâcher. Il raconte comment, d’intellectuel, il a frayé avec la télévision (par l’entremise de l’oligarque Boris Berezovsky, bien réel) puis est devenu l’éminence grise de Vladimir Poutine. Baranov parle, livre les secrets du pouvoir, les manipulations et c’est aussi passionnant que si l’on écoutait Clausewitz ou Machiavel parler devant un feu de cheminée… Da Empoli vient certainement d’inventer un poncif : songeant d’un personnage à la Baranov on pourra dire que c’est un Moscovite, comme on parle d’un Florentin.

On tourne les pages sans voir le temps passer. Et les dernières sont incroyablement puissantes : Da Empoli nous livre des clés de compréhension de ce pays si mystérieux qu’est la Russie. Finalement les choses ont peu changé depuis qu’Astolphe de Custine est allé visiter ce pays pour nous le raconter. Une fois refermé, on a donc qu’une envie : lire ou relire “La Russie en 1839”, ou bien le “Limonov” d’Emmanuel Carrère (éditions P.O.L) puisque l’on croise le chemin de ce personnage lui aussi hors-normes.

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Giuliano Da Empoli “Le mage du Kremlin”, Editions Gallimard, Paris, 279 pages, 20 euros.

Pour en savoir plus sur Custine, je recommande cette émission “Concordance des temps” qui lui a été très récemment consacrée.

Jean-Marc Grosdemouge