“Caligula, the ultimate cut”, la folie faite film

“Caligula, the ultimate cut”, la folie faite film

Le métier d’un journaliste est d’angler ses sujets, mais que faire quand la ressortie d’un film en permet plusieurs ? Eh bien, ne boudons pas notre plaisir et passons les tous en revue… car ce “Caligula” aux décors sardanapalesques, signé Tinto Brass est un film hors normes à bien des égards et mérite une chronique pas comme les autres.

Un : le film et son aura de mystère et de scandale. Produit par l’éditeur du magazine Penthouse, mais servi par des acteurs de renom (Malcolm McDowell, Helen Mirren ou Peter O’Toole dans le rôle de Tibère), ce péplum qui n’a logiquement aucun problème à montrer de la nudité dans les scènes d’orgies, a largement éclaté le budget initial qui lui avait été alloué, mis quelques années à sortir, et fut -dans sa première version, classé X.

Il faut dire que des scènes pornographiques avaient été ajoutées en douce, au nez et à la barbe du réalisateur. Ce qui a donc attiré dans les salles tout ceux qui en avaient ras le bol du puritanisme étatsunien. Naissance d’un film culte.

On dit que le producteur de “Caligula”, quand il débarqua sur le plateau (à Rome) et vit tout le monde nu comme un ver, comprit assez vite qu’on était loin aussi du sécnario original signé, excusez du peu, par Gore Vidal.

La ressortie 2024 est juste interdite aux moins de 16 ans, mais on rassure les parents : vos enfants peuvent toujours voir facilement des simulacres de reproduction humaine gratuitement et 24 heures sur 24 sur leurs téléphones portables, donc tout va bien. Et dans les collèges, on peut continuer à leur enseigner la théorie du genre plutôt que la décadence de l’Empire romain.

Deux : Malcolm McDowell. Peu d’acteurs ont la chance d’avoir pu jouer dans deux films culte mais McDowell aura eu droit à deux tours de force : “Orange Mécanique” de Kubrick (1971) et ce “Caligula” (1979). C’est sur son jeu d’acteur, ébouriffant du début à la fin, que repose une grande partie de ce film. Car c’est très dur de jouer la folie, c’est comme un soufflé au fromage ou une mayonnaise : il suffit d’une minime erreur de dosage et ça retombe, ou ça ne prend pas.

Avec McDowell, c’est toujours parfait. Il fait partie des gens de la trempe de Klaus Kinsky ou Denis Lavant, avec qui on n’est jamais déçu. A côté de Malcolm McDowell, même notre Gégé-Depardieu-national ressemble à l’écran à un fonctionnaire de la dinguerie : on éteint les caméras, il se démaquille et file dare-dare au catering pour y manger trois porcelets en gelée.

Trois : c’est un fou furieux intégral que joue McDowell. Quatre ans de règne (37-41), quatre ans de dingueries… qu’on ne spoilera pas, pour vous laisser profiter à fond de ces trois heures haletantes. Et la coke n’existait pas au bord du Tibre. En tout cas si le sang et le cul dans “Game of Thrones” ne vous gênent pas, voire participe à la beauté de la chose, vous serez en terrain connu. Le montage s’appuie sur une mine de rushes de 90 heures, les lumières et les mouvements de caméras sont régulièrement sidérantes… et la musique a été modernisée… c’est une sorte d’infrabasse inquiétante qui souligne juste comme il faut ce qui est filmé.

Chaque image a été restaurée et on se demande s’il n’y a pas un marché pour les vieux péplums qui passent sur TCM : on reprend les rushes, on fait un montage dans le vent, et on ressort tout ça au fil de l’eau… histoire d’abreuver les fans de bon vieux cinoche. Un film de gladiateur des fifties avec une B.O. signée Aphex Twin ou Jeff Mills, ça aurait de la gueule non ? “La Dernière Séance” de Schmoll sur FR3 qui mixe avec Le Rex (le club en dessous du cinéma) ou le Berghain.

Après avoir regardé ce film, vous ferez un utile passage sur la fiche Wikipedia de l’empereur à qui Camus a consacré une pièce de théâtre, vous jouer à “qu’est-ce qui est vrai ? qu’est-ce qui est inventé ?”. Comme disait l’Office catholique français du cinéma dans “Télé 7 jours” autrefois : pour adultes et adolescents. A quoi, en bon fan de Diabologum, j’ajoute : à découvrir absolument.

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Ressortie : 19 juin 2024

Plus d’nformations : http://www.bacfilms.com/distribution/fr/films/caligula

Jean-Marc Grosdemouge